After all this time? ► Alenka & Maya

Jamais elle n’aurait cru qu’une journée si banale, si calme se transformerait en vrai catastrophe. Une journée qu’elle aurait cru comme les autres, une journée de travail qui se serait terminée par un verre avec ses collègues, mais pour le moment tout ce qui se passait dans la salle à manger était d’un ennui mortel. Les clients semblaient avoir décidés de rester à la maison en cette journée maussade ou la pluie s’arrêtait un moment pour recommencer encore plus fort la prochaine fois. L’humidité de celle-ci se faisait ressentir par les cheveux de l’espagnol qui maudissait les boucles qu’elle voyait se former autour de son front et sur la longueur de ses cheveux. Derrière le comptoir, elle faisait du ménage, tentant de tuer le temps alors que les derniers clients terminaient leurs assiettes.

Les couleurs de l’endroit étaient chaudes, rassurantes comme si c’était la cuisine d’une maman. C’est vrai que de nombreuses fois Maya s’était dit qu’elle allait changer le décor, faire quelque chose de plus moderne, mais l’essence de cet endroit serait perdue à tout jamais et ça ne deviendrait qu’un restaurant parmi tant d’autres. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas fait attention à la personne qui venait d’entrer et prendre place à l’une des tables. Si elle avait vue de qui il s’agissait, Maya aurait sûrement couru pour aller la voir, la prendre dans ses bras et lui poser toutes ces questions qui lui trainent dans la tête depuis qu’elles sont au lycée. C’est vrai que Maya en avait vue de toutes les couleurs, sur le coup de l’alcool elle n’avait pas réagi assez rapidement, mais tous ses messages non lus, ses appels refusés et tous les essaies qui n’avaient mené à rien l’avait détruite à l’intérieur. Comme si elle n’avait pas été assez bien pour elle, qu’elle l’avait dégoutée même.

Relevant la tête, elle se dépêcha de prendre un menu dans ses mains et de se diriger vers la nouvelle cliente assise seule. Vêtue d’un jeans bleu clair roulé aux chevilles et d’une jolie chemise blanche avec son nom sur le haut de la poitrine, tout près de sa marque, elle offrit le plus beau sourire à la demoiselle en déposant le menu.  

‘’Bonsoir, je m’appelle Maya je serai votre s-…'’

Sa phrase se termina d’un coup sec alors que son regard se déposa enfin sur la personne devant elle. Impossible. Tout simplement impossible! Voilà ce qu’elle se disait alors que son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et qu’elle sentait ses genoux fléchir sous l’effet de surprise, mais aussi de nervosité qu’elle ressentait au creux de son ventre. Qu’est-ce qu’elle faisait ici? Était-ce un rêve? Ou seulement quelqu’un qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau? Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne sortit, c’était comme si elle était pétrifiée devant celle qui aurait dû la rendre heureuse, celle qui aurait dû partager tous ses moments de joie avec elle.

‘’Alenka? C’est toi? Qu’est-ce que tu fais ici?’’

La voix de Maya tremblait, ses poings fermés le long de son corps alors qu’elle sentait des larmes trahir ses émotions aux coins de ses yeux. Elle voulait seulement comprendre, entendre des excuses! Pourquoi le destin avait-il décidé qu’aujourd’hui serait le bon moment pour elles de se revoir? Quel mauvais tour avait-il préparer pour les deux âmes sœurs.

ootd. une journée de plus à affronter les regards de travers. les murmures une fois le dos tourné. à chaque tournant de rue les choses se répétaient. encore. et encore. plus elle avançait plus la ligne d'arrivée semblait s'éloigner. comme-ci elle ne pouvait jamais être atteinte. tel un mirage il lui arrivait de disparaître quelque temps. finissant par revenir. réveillant ses espoirs le temps de son apparition. semblant être à portée de main. elle n'avait qu'à tendre la main et c'était finit. la bataille était finit. elle n'avait plus à affronter les démons de son passé. son démon. mais à chaque fois. à chaque passant qu'elle croisait et qui la reconnaissait malgré les années passées. après la prononciation de son nom horrible. si lourd à porter. le manège recommençait. lui faisant tourner la tête. une sensation de vertige la prenant. la faisant presque tomber au sol. évanouie. il lui arrivait alors de s'appeler Wilkins. un nom de substitution agréable. éloignant les mauvaises ondes tel un attrape rêve avec les cauchemars. elle se sentait revivre le temps de quelques secondes. les portes du monde s'ouvrant devant elle. apparaissant alors plus agréable. plus rose et moins sombre. il faisait presque bon vivre. New-York commençait à lui manquer. la facilité de la vie lui manquait. mais elle ne pouvait repartir. elle ne voulait pas. le mal du pays se faisait. les remords du passé étaient trop présent. ruinant son doux visage par les larmes. elle se devait de rester. malgré la tentation de fuir à nouveau. de renier son passé. lui. sa force l'avait quitté. le puits était vide. asséché. alors elle se plongeait dans ce qu'elle savait faire de mieux. son travail. aller sur le terrain. chercher ce qui est caché. la faille. écrire des articles et avoir la reconnaissance de son patron. se faire un nom. nettoyer l'honneur de sa famille. bafoué par des actes sombres digne des enfers. son fils. Sasha. source de son bonheur. petite lumière dans cette obscurité. rayon de soleil des nuits les plus sombres. elle lui donnait tout l'amour qu'elle pouvait. faisant au mieux qu'elle pouvait son rôle de mère. de parent malgré le mauvais exemple qu'elle avait pu avoir. découvrir devant ses yeux. ce soir elle l'avait laissé aller dormir chez son nouvel ami. ravis de voir l'un d'eux se faire une place dans ce monde. il était jeune. sociable. facile à vivre. il n'avait aucun soucis à s'intégrer. l'horreur d'un acte sans merci ne pesait pas sur ses épaules. elle était donc seule ce soir. rien ne l'attendait. personne n'attendait son retour à la maison. alors elle avait traîné à son bureau. trouvant quelque chose à faire quand elle finissait une tâche. c'est l'équipe d'entretien qui l'avait fait partir. lui montrant doucement. gentiment la sortie. et c'est sans un mot. un regard. ni même un sourire qu'elle avait poussé la porte du bâtiment. défilant les pages de commande à emporter qui pouvait l'attendre. mais rien ne lui donnait envie. elle ne voulait pas rentrer. pas maintenant. pas pour être seule. elle détestait cela. lui rappelant trop de mauvais souvenir. elle avait donc poussé à nouveau la porte d'un bâtiment. un restaurant qu'elle avait entendu dans la bouche d'un collègue. il était non loin de sa maison. quelques rues à peine encore. prenant place à une table libre. seule. attendant l'arrivée d'un serveur. le regard tourné vers l'extérieur. observant les passants dans la rue. s'occupant à se demander ce qu'ils peuvent faire. où ils allaient. une voix se fit entendre. la faisant sursauter et sortir de sa transe. un long soupire s'échappait de ses lèvres légèrement maquillé. un regard vers la jeune femme et son cœur manqua un battement. deux battements. respirait-elle encore ? elle. un autre fantôme de son passé se tenait devant elle. les yeux écarquillés. la surprise peignant son visage. cette sensation. elle ne la connaissait que trop bien malgré les années qui étaient passées. « Je viens manger. » d'un coup de main elle attrapa la carte. fuyant son regard brillant. « Je vous prendrais le plat du jour et un verre de vin rouge. N'importe lequel ça fera l'affaire. »